De l'expérience d'une écriture créative à l'activité effective de l'élève...
Nadine Pairis  1@  
1 : UMR EFTS
Université Toulouse le Mirail - Toulouse II

Ma proposition de communication aborde la transdisciplinarité par les arts visuels, la littérature de jeunesse et le mouvement. La loi de 2013 propose que « l'éducation artistique et culturelle contribue à l'épanouissement des aptitudes individuelles et à l'égalité d'accès à la culture ». Dans ce contexte, mon étude analyse les résultats de ma recherche-action concernant le dispositif créé en cycles 2 et 3, dans une école située au sein de quartiers précarisés. Je me suis interrogée sur la manière dont les pratiques artistiques pouvaient aider des élèves à risque de décrochage et j'ai, alors, cherché des moyens pratiques pour que ces élèves réalisent des apprentissages, donnent un sens aux connaissances apprises, adoptent une approche métacognitive les incitant à voir dans la « forme scolaire » (Vincent, 1994) une chance pour inscrire leur parcours dans la découverte de la saveur des savoirs (Astolfi, 2008).

Lors de notre projet d'école, pour une classe comportant un dispositif structurant d'éducation artistique et culturelle, nous avons fait intervenir un auteur-illustrateur. La littérature de jeunesse, les processus de créativité (Lubart, 2005) et l'art ont alors été le noyau de la médiation. De ce fait, j'ai mobilisé les différents courants issus de la pensée de Vygotski (1934) et de Dewey (1934), pour nourrir mon questionnement. Dans le but de mener mon étude ethnographique et longitudinale, j'ai réalisé le suivi d'un cœur de cohorte d'une classe de CP (1e Primaire) jusqu'au CM2 (5e Primaire). Mon cadre théorique et méthodologique est celui de l'action située car il permet d'étudier l'activité en classe in situ. L'analyse des données du « cours d'expérience » (Theureau, 2004) s'appuie sur des traces d'activité « ce qui émerge de la conscience préréflexive » d'élèves en interaction en classe lors de la création de leurs quatre albums. Dans cette étude, j'ai constaté que l'effet éducatif produit a été de donner du sens aux apprentissages (Develay, 1994). Les indicateurs retenus ont été une amélioration des compétences, concernant les trois dimensions clés de l'apprentissage individuel, en conjuguant l'ensemble des savoirs, soit le savoir (connaissances en fançais ainsi que l'amélioration de la lecture et l'écriture), le savoir faire (la pratique en obtenant de meilleurs résultats grâce à l'application des connaissances apprises) et le savoir être (meilleure attitude, être moins fatigué, travail coopératif, motivation). L'approche par compétences a permis aux élèves de mieux apprendre en étant mis dans une situation de production effective, en construisant connaissances et savoir entre pairs.

Nos résultats révèlent que les élèves ont plus besoin d'être en mouvement que passifs (Jorro, 2013 ; Dewey 1934). En explorant leur rapport à l'espace, les élèves prennent ainsi conscience des autres. Le mouvement et les illustrations, lors des ateliers de création d'albums, vont reformuler la relation avec l'espace, le temps et les autres. Il apparaît que différents auteurs tels Ardouin (2000) ; Winner, Golstein et Vincent-Lancrin (2014) attestent de l'impact de l'éducation par les arts en tant qu'outil pédagogique transférable à d'autres disciplines. Selon notre étude, les arts ont stimulé l'imagination et la création de ces élèves, en utilisant des stratégies et des méthodes créatives, permettant de développer la communication et l'expression de soi, en augmentant leur autonomie de pensée et d'action. Ainsi, en privilégiant les processus de création grâce à la création d'albums, il ne s'agissait pas de restreindre l'approche artistique à une simple instrumentalisation, mais d'envisager des expériences de nature artistique diversifiées. La capacité d'adaptation au milieu a aidé les élèves à mieux s'intégrer et devenir des acteurs en s'inspirant de leurs champs d'intérêt. Ils ont su mobiliser la référence picturale pour construire leurs histoires, il y a eu transfictionnalisation puisque certains éléments du réel ont été transposés dans la fiction en s'inspirant de leur propre vécu pour en faire des récits imaginaires. Les élèves ont pu connaître une expérience esthétique (Schaeffer, 2015) et multisensorielle en faisant dialoguer réalité et fiction lorsqu'ils ont fait appel à leur imagination créatrice. Les élèves ne se sont pas cantonnés à l'analyse des œuvres, ils ont pu les incarner. De par l'imagination et la créativité (Vygotsky, 1933), des zones de « contact » ont pu se créer entre littérature de jeunesse et arts visuels (Richard, 2015). Les élèves ont pu expérimenter l'immense laboratoire de leur pensée (Ricoeur, 1991). L'analyse de l'activité des élèves met en perspective l'impact des pratiques artistiques et culturelles sur les apprentissages ainsi que du mouvement (déplacements dans l'espace avec des illustrations grand format, geste graphique : pas seulement l'écriture mais positionnement du corps afin de les habituer à le ressentir avant qu'il ne leur fasse mal). L'espace et le mouvement libre de leur corps ont favorisé une entrée dans les apprentissages autre que par les modes traditionnels (geste graphique et arts visuels). Le corps, réceptacle émotionnel, culturel et social a été médiateur au sein du groupe classe lors des ateliers d'art visuel.

La création d'albums est devenue un « outil pédagogique pour les apprentissages » permettant aux sujets d'être acteurs de leur propre activité grâce à la créativité. Par ailleurs, les élèves ont pu accroître leurs compétences en les confrontant avec leur savoir antérieur et en les transférant vers des disciplines non artistiques, qu'elles soient cognitives, sociales ou motivationnelles. En reliant créativité et apprentissage, les élèves ont découvert une forme de reliance favorisant une dimension esthétique en éducation (Kerlan, 2004).

 

Mots clés 

 

Approche par compétences ; Création artistique ; Créativité ; Didactique ; Transdisciplinarité par les arts visuels, la littérature de jeunesse et le mouvement.

 



 

Références

 

Ardouin, I. (2000). L'éducation artistique à l'école. Coll. Pratiques et enjeux pédagogiques. Issy-les-Moulineaux : ESP éditeur.

 

Develay, M. (1994). Didactique et pédagogie. Sciences humaines, hors-série. 12.

 

Dewey, J. (1934/2005). L'art comme expérience (« Art as experience »). Traduit de l'anglais sous la dir. de J-P Cometti. Pau : Farrago.

 

Jorro, A. (2013). L'engagement professionnel en éducation et formation. Bruxelles : de Boeck

 

Kerlan, A. (2004). L'art pour éduquer ? La tentation esthétique, Contribution philosophique à l'étude d'un paradigme. Les Presses de l'Université Laval, 2004.

 

Lubart, T. (2005). Psychologie de la créativité. Paris, France : Armand Colin.

 

Richard, M. & al. (2015). Les compétences en littératie médiatique multimodale au primaire et au secondaire : une grille d'analyse transdisciplinaire. Littératie : vers une maîtrise des compétences dans divers environnements. In Lafontaine, L. et Pharand (éds), Quelle est l'initiale du prénom ? Québec, Canada : Presses de l'Université du Québec. 163-184.

 

Ricoeur, P. (1991). Temps et récit. I : l'intrigue et le récit historique. Paris : Seuil.

 

Schaeffer, J.M. (2015). L'expérience esthétique ? Paris : Gallimard.

 

Theureau, J. (2004). Le cours d'action « méthode élémentaire ». Toulouse, Octarès.

 

Vygotski, L. S. (1934/1997). Pensée et langage. Paris : La dispute.

Winner, E., Goldstein, T., Vincent-Lancrin, S. (2014). L'art pour l'art ? L'impact de l'éducation artistique, la recherche et l'innovation dans l'enseignement. Paris : Éditions OCDE.


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