Quelle conscience un élève de collège a de son corps dans l'espace et le temps pour quelle présence au monde ?

Solenn Nicolazic, professeure agrégée d'arts plastiques


Claude Colleu, professeure de danse


Isabelle Audouard, professeure de français


Cette communication, s'inscrit dans le projet Acore (Arts, corps & éducation) labellisé MSHB (1), qui tente d'expliciter la notion de « présence corporelle à travers l'étude de dispositifs de formation en arts ». Elle a pour objectif d'étudier comment développer la présence corporelle en croisant les langages des arts et du corps.

Problématique:
La présence corporelle est une question transversale à laquelle nous essayons de répondre en élaborant un dispositif transdisciplinaire pour accompagner, dès le début d'année, l'élève de 6ème de collège à entrer en relation avec autrui, avec son environnement et avec lui-même.

Contexte / Méthodologie :
Le dispositif expérimental proposé est organisé dans le cadre d'un Accompagnement Personnalisé (AP) avec une classe entière de 6ème dans un engagement démocratique « de prise en compte des spécificités et des besoins de chaque élève (3) ». Il répond à un constat des difficultés d'attention de l'élève pour agir dans la durée, en situation scolaire.
Les séances de l'AP mobilisent la théorie de l'action conjointe en didactique (Sensevy, 2007) en relation avec le cadre théorique de la didactique des arts plastiques (Gaillot, 1997) donnant lieu à des dispositifs d'apprentissage fondés sur le couple incitation-contrainte afin d'orienter la découverte et la conscientisation de ce qui a été vécu lors d'une verbalisation collective (Pélissier, 2004), empruntant au cadre psychophénoménologique (Vermersch, 1994).
Ce dispositif évolutif de recherche-action, d'une part réunit des praticiennes de terrain de trois disciplines : arts plastiques, français, documentation et ouvre des perspectives éducatives ne se limitant pas à leur périmètre respectif. Elle nourrissent leurs pratiques professionnelles de la pédagogie du sensible (Berger 2014, Bois 2007) et d'expériences artistiques et corporelles : le Hatha yoga, la danse (improvisation, technique du corps, danse/théâtre) et la pratique plastique de l'installation. D'autre part il est complété par une recherche collaborative avec une professeure de danse (technique du corps, méthode Feldenkrais, improvisation) et formatrice petite enfance qui apporte un point de vue extérieur et permet une analyse croisée des données recueillies.
L'analyse se focalise sur deux moments de la démarche : en début d'année et après six séances d'une heure. Observés, filmés et analysés, ces moments sont à la fois des évaluations et des moments d'apprentissage. Elle associe trois types de données issues :
de l'analyse croisée entre les trois enseignants des séquences vidéos filmées afin d'observer les gestes et paroles des élèves en action et repérer des indicateurs du processus de présence et de son évolution.
de l'analyse d'une verbalisation collective visant une réflexion entre élèves sur le dispositif d'AP,
de l'analyse d'entretiens d'explicitation avec des élèves afin de recueillir la dimension explicite des actions vécues lors des séquences filmées. Il s'agit de tenter de mieux comprendre les transformations qui s'opèrent chez les élèves et d'apprécier leur conscience de celles-ci.

Résultats, éléments de discussions:
Nos résultats viennent corroborer nos observations premières et permettent de penser qu'une implication corporelle associée à la mise en route de mécanismes métacognitifs concourent à développer des compétences transversales utiles à l'élève et à la personne qu'il devient. Celles-ci sont repérées, en milieu d'année, par les professeurs, mais aussi par les parents et par les élèves eux-mêmes. Les modifications constatées concernent: les modes de communication entre élèves ; le positionnement de l'enfant dans la cellule familiale laissant apparaître une meilleure confiance dans ses choix et sa prise de parole ; la posture corporelle plus assumée dans le temps et l'espace ; la disposition à s'exprimer, à oser davantage face au groupe classe, à prendre des risques et à être dans une vigilance face à l'environnement.
Enfin, nous observons comment la coopération hebdomadaire entre trois disciplines autour de la question transversale du processus de présence corporelle a transformé nos pratiques professionnelles par une mise en débat de modèles didactiques différents et par une attention particulière portée aux élèves.

(1) Maison des Sciences de l'Homme de Bretagne.


(2) L'AP est un temps d'enseignement où des pratiques sont différenciées et adaptées aux besoins des élèves, pour approfondir leurs connaissances et compétences et pour amener l'élève à trouver les moyens de résoudre par lui-même ses difficultés et donc développer l'autonomie dont il a besoin pour exploiter pleinement son potentiel.


(3) Accompagnement personnalisé. Circulaire n° 2011-118 du 27-7-2011

Références bibliographiques
Berger, E. (2014). Le Sensible et l'enfant : un corps pour grandir en conscience tout au long de la vie. In Le corps dans la société, le corps à l'école. Publication numérique éditée par le Centre Dramatique de Wallonie pour l'enfance et la jeunesse, avec le soutien de la communauté européenne.

Bois, D. (2007). Le corps sensible et la transformation des représentations chez l'adulte : vers un accompagnement perceptivo-cognitif à médiation du corps sensible, Thèse de doctorat européen, Université de Séville, Département didactique et organisation des institutions éducatives, sous la direction d'Antonio Morales et d'Isabel Lopes Gorriz.

Gaillot, B.-A. (1997 / 2012). Arts plastiques. Eléments d'une didactique-critique. Paris : PUF.


Sensevy G. & Mercier A. (dir.). Agir ensemble : l'action didactique conjointe du professeur et des élèves Rennes : PUR, 2007

Shusterman R. (2007) Conscience du corps, pour une soma-esthétique, Paris, L'éclat.


Vermersch, P. (1994 / 2017). L'entretien d'explicitation, ESF éditeur.