Tutorat et activation d'une oeuvre d'art
Mercedes Baugnies  1@  
1 : GCAF, Adef, Aix Marseille Université
Lisec, Université de Haute-Alsace

Tutorat et activation d'une œuvre d'art

Fin 2017, le laboratoire LISEC de l'Université de Haute-Alsace a été contacté par la Kunsthalle de Mulhouse pour organiser des activités de médiation pédagogique dans le cadre de l'exposition L'Etre vivant, un hommage au premier chapitre de L'art comme expérience de John Dewey. Sandrine Wymann, directrice du musée, et Soledad Gutiérrez, commissaire de l'exposition, soucieuses de respecter la pensée de Dewey qui voulait replacer l'art au centre de la communauté et le rendre accessible au plus grand nombre, souhaitaient réunir des œuvres « activables ». Pour les conceptrices de l'évènement, « activer » une œuvre signifiait « interagir » avec elle. Ivan Clouteau (2004) considère davantage l'activation d'une œuvre comme sa monstration. Il cite néanmoins Goodman qui, en 1996, considérait « l'œuvre comme une entité dynamique, c'est-à-dire non plus en tant qu'être mais dans son fonctionnement ». 

Le personnel du musée nous a demandé d'activer pour deux classes d'écoles Montessori locales, l'installation Subject of learning/Object of study de l'Américaine Anna Craycroft. Cette œuvre est composée de panneaux mobiles présentant des formes et couleurs utilisées dans l'apprentissage de la grammaire dans la pédagogie d'inspiration Montessorienne. La commissaire d'exposition et les responsables du musée n'ont pas pu nous mettre en contact avec Anna Craycroft, celle-ci s'étant contentée de leur transmettre des USA les plans de l'œuvre qui a été reproduite par le personnel technique de l'établissement.

Intéressée par le tutorat entre apprenants, nous avons proposé une activation de l'œuvre par des étudiantes de 2ème licence en sciences de l'éducation. Nous leur avons permis de laisser libre cours à leur inspiration et leur imagination et leur avons proposé de manipuler l'œuvre lors du vernissage de l'exposition le 14 février 2018. Par son activation, l'installation d'Anna Craycroft a trouvé, à l'instar des oeuvres d'autrefois, sa place dans la vie de la communauté et a gagné en validité et en signifiance (Dewey, 2010). Elle est ainsi devenue le support pédagogique des activités que les étudiantes ont créées :

  • un atelier Shapes and colours pour 15 enfants du cycle 6-9 de Mon école et moi de Brunstatt ;
  • un atelier Formes et couleurs en français pour des petits du cycle 4-6 de l'Atelier de la vie de Mulhouse. La deuxième partie de cette activité fut consacrée à des activités de développement sensoriel (vue, odorat, toucher, audition : sons, musique). 

Le musée avait fixé au préalable les rencontres avec les deux classes et nous a fourni le matériel que nous lui avons demandé. Des employées nous ont aidées à encadrer les activités.

Méthodologie de la recherche. Nous nous sommes appuyée, entre autres, sur Baudrit (2007), qui évoque le nombre plus important de recherches sur les effets du tutorat sur les tutorés que sur les tuteurs. Il explique qu'un effet-tuteur est constaté. Cet effet-tuteur est notamment décrit par Gartner et al. (1973). Nous nous sommes quand même penchée sur les bénéfices des activités sur les tutorés via des pré- et post-tests sur les apprentissages développés lors de celles-ci (formes et couleurs en français pour l'un des ateliers, en anglais pour l'autre) mais nous nous sommes davantages concentrée sur les éventuels effets du tutorat sur les étudiantes-tutrices en menant auprès d'elles des entretiens qualitatifs semi-directifs. L'effet-tuteur nous évoque les apprentissages réalisés par les enseignants dans leurs interactions avec les étudiants (Labelle, 2017). Aucun pré-et post-test n'a été mené auprès des tutrices étant donné la simplicité des matières enseignées. 

Les tests effectués auprès des apprenants montrent un léger effet bénéfique des séances de tutorat, surtout en anglais. Malgré une crainte « de ne pas y arriver » et la peur de la distraction des enfants, les constats positifs suivants ont été effectués chez les étudiantes :

  • une projection dans l'avenir : conforter leur choix d'être enseignantes (ou pas) à des niveaux différents (maternelle, primaire, Montessori, coach pour adultes) ;
  • l'intérêt d'une expérience professionnelle, l'ouverture d'esprit sur l'art et la pédagogie Montessori à laquelle l'une des étudiantes s'intéresse particulièrement;
  • le plaisir de préparer les activités avec une liberté pédagogique, la coopération ;
  • l'adaptation aux plus jeunes, le travail sur sa propre patience ;
  • pratique réflexive (si l'atelier était à refaire) ;
  • motivation, diminution du stress au fur et à mesure de l'avancement du projet, confiance en soi croissante.

Un effet-tuteur sur le plan humain et professionnel se profile. 

Bibliographie

Baudrit, A. (2011). Le tutorat, richesse d'une méthode pédagogique (2e éd., 3e tirage). Bruxelles : De Boeck.

Clouteau,I. (2004) Activation des œuvres d'art contemporain et prescriptions auctoriales. Culture & Musées, 3, 23-44. DOI : https://doi.org/10.3406/pumus.2004.1186.

Dewey, J. (2010). L'art comme expérience. s.l. : Folio Essais Gallimard.

Gartner, A., Conway Kohler M., Riessman F. (1973). Des enfants enseignent aux enfants. Paris : Epi s.a. Editeurs.

Labelle, J.-M. (2017) Apprendre les uns des autres. Paris : L'Harmattan

Montessori, M. (2018). La découverte de l'enfant. Pédagogie scientifique Tome 1. Paris : Desclée de Brouwer.

 



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