Plusieurs travaux en didactique de langues-cultures (J. Aden, 2008, 2013 ; N. Borgé, 2015 ; S. Eschenauer, 2017 ; M. Potapushkina, 2014 ; S. Soulaine, 2010, 2013 ; A.-M. Voise, 2008) ont montré qu'une langue s'apprend plus facilement si on engage le corps et les émotions des apprenants. Ces recherches ont mis en évidence que les pratiques artistiques et performatives favorisent l'apprentissage d'une langue et amènent à s'interroger sur le processus de (trans)formation de l'enseignant, et donc de ses gestes professionnels (E. Maître de Pembroke, 2015), lorsqu'il intègre ces approches performatives en éducation. Cherchant à mettre en lien ma pratique d'enseignante et ma pratique artistique, j'analyse dans une étude doctorale le passage de l'une à l'autre en m'appuyant sur le paradigme de l'enaction (F. Varela). Comment ce processus me forme-t-il, comment et à quelles conditions ce processus transforme-t-il ma posture d'enseignante ? Au moyen d'une étude de cas, j'interroge mon propre processus d'autoformation et de transformation lorsque j'adapte une approche performative pour enseigner l'espagnol à des étudiants de niveaux différents (débutants, intermédiaires et avancés) à travers de démarches qui mettent les corps (des apprenants et de l'enseignant) en action et en mouvement dans l'espace de la salle de cours. Pour cela, je mène une étude en première personne en utilisant la technique de l'auto-explicitation (P. Vermersch).

Lors de cette communication, il s'agira de présenter une pré-analyse de mon corpus (mes auto-explicitations et une sélection des entretiens d'explicitations menés auprès de mes étudiants) pour mettre au jour le processus de transformation de ma pratique enseignante et son impact sur la conception de l'apprentissage de la langue chez les étudiants. Autrement dit, la présente communication portera sur le sens de l'expérience des démarches créatives d'enseignement/apprentissage menées avec un groupe de Master en Sciences de l'Education à l'Université de Lille SHS, où je mets en place un dispositif expérientiel pour l'apprentissage de la langue espagnole et des cultures hispaniques.

Dans un va-et-vient entre explorations théoriques et méthodologiques, pratiques de terrain et expériences artistiques, la transdisciplinarité est au cœur de mon travail de recherche doctorale. Le cadre théorique prend en compte les apports du paradigme énactif, de la didactique des langues, des pratiques performatives et de la phénoménologie. Le cadre épistémologique relie méthodes de recherche (recherche-action participative) et méthodes d'enseignement. De même, les techniques de recherche en première personne (Depraz, Varela, & Vermersch, 2011; Depraz, 2006; Vermersch, 2006), et donc de l'auto-explicitation et de l'entretien d'explicitation (P. Vermersch), sont incontournables dans cette recherche, car elles me permettront d'avoir accès à mon expérience dans le choix de mes gestes professionnels, à la rendre intelligible comme montrent certaines recherches récentes (D. Bouthier, A. Mouchet & P. Vermersch, 2011 ; H. Duval 2016; E. Maître de Pembroke, 2014, 2015, 2016 ; S. Morais, 2012).

Bibliographie

Aden, J. (2017). Langues et langage dans un paradigme enactif. Recherches en didactique des langues et des cultures. Les cahiers de l'Acedle, 14, 14‑1.

Aden, J. (Éd.). (2008). Apprentissage des langues et pratiques artistiques : créativité, expérience esthétique et imaginaire. Paris, France : Éditions le Manuscrit.

Maitre de Pembroke, E. (2015). Phénoménologie des gestes de positionnement en classe. Recherche et Éducations, 13, 101-115

Morais, S. (2012). L'expérience de l'artistique comme pratique de soi en formation : une approche phénoménologique (Thèse de doctorat). Université Paris 13. Repéré à http://www.theses.fr/2012PA131022

Trocme-Fabre, H. (1999). Réinventer le métier d'apprendre. Paris, France : Éditions d'Organisation.

Varela, F. J., Thompson, E., & Rosch, E. (1993). L'inscription corporelle de l'esprit : sciences cognitives et expérience humaine. (V. Havelange, Trad.). Paris, France : Éditions Seuil.